Jardin en permaculture : créer une butte surélevée
Les buttes surélevées permettent de créer des zones de culture productives et pratiques tout en créant de la terre. Voici la méthode que nous préférons…
Le jardin en permaculture et les buttes surélevées
Rappelons-le, la permaculture n’est pas un ensemble de techniques de jardinage. Or, certaines méthodes et outils sont souvent utilisés par les permaculteur-ices au jardin, car ils respectent généralement les éthiques et principes de la permaculture (voir « Le Concept ») tout en étant efficaces. La butte surélevée est l’un de ces fameux outils, et c’est pourquoi nous l’avons mis en pratique à de nombreuses reprises dans notre potager.
Les buttes surélevées, ou « jardins en bacs » (quoi qu’ils puissent prendre bien des formes, et pas forcément celle d’un bac carré), ont plusieurs avantages. D’une part, elles évitent de se baisser jusqu’au sol, chose importante même si l’on n’a pas de problèmes de dos. D’autre part, elles permettent de mettre en place rapidement un potager dans des zones où le sol est difficile (zone érodées, trop argileuses, trop caillouteuses) voir impossible à cultiver tels que… votre terrasse ou balcon. Enfin, et grâce à la méthode présentée ici, elles permettent de créer de la terre, action d’autant plus utile à l’heure de l’érosion généralisée des sols dans le monde entier.
De très nombreuses versions de buttes surélevées existent, la littérature et internet regorgent d’exemples. J’ai donc choisi de vous parler de la méthode qui, parmi toutes celles que nous avons testées, est sans aucun doute notre préférée car elle permet de créer de la terre, est donc économique car elles nécessitent l’achat (ou la récupération) de très peu de terreau, et peut être mise en place autant au potager que sur une terrasse.
Vivent les lasagnes !
Avant toute chose, sachez que cette méthode vous permettra de cultiver de magnifiques légumes dès la première année… Qu’elle créera au fil du temps un riche compost fertile… Et qu’elle nécessitera peu d’arrosage, même si elle se trouve sur un balcon. Il s’agit de la butte « en lasagnes » !
Installation d’une butte au jardin
Le schéma ci-dessous s’applique à une butte en lasagnes créée dans un jardin.
Etape 1) Définir le lieu, la forme, la hauteur : Sachant que vous ne pourrez déplacer vos bacs qu’à grands renforts d’efforts, prenez le temps de bien réfléchir quel est le meilleur endroit. La forme et la hauteur de votre bac dépend de votre espace et de vos envies : faites des tests, observez quelle hauteur vous convient le mieux, sachant qu’un bac placé au jardin, même bas, suffira à cultiver à peu près n’importe quoi (ce qui n’est pas le cas sur une terrasse : voir plus bas). La largeur est également importante, car le but est que vous puissiez atteindre facilement toutes les zones du bac depuis les côtés sans trop vous pencher, préservant ainsi votre dos. En imaginant que vous ayez accès à votre bac depuis tous ses côtés, sa largeur maximale devrait donc être de deux fois la longueur de votre bras.
Etape 2) Trouver des matériaux : Créer une butte surélevée à l’aide de matériaux achetés peut s’avérer très coûteux. Or, votre voisinage regorge probablement de trésors que vous pourrez peut-être récupérer gratuitement, voir troquer. « Les déchets des uns sont les ressources des autres » est un proverbe qui s’applique parfaitement à la permaculture ! Pour créer vos bacs, il vous faudra :
- De quoi confectionner les parfois de la butte. Si vous utilisez des matériaux de récupération, veillez à ce qu’ils soient non peints, non vernis et non traités à l’aide de produits chimiques (nous utilisons des planches de rebut gratuites provenant d’une scierie voisine, ou des branches de saule collectées à gauche-à droite).
- Des matières organiques carbonées, c’est-à-dire des matières « sèches » : paille, feuilles, fumier de caprins et d’équidés, branches broyées, résidus de débroussaillage que vous avez laissé sécher, etc.
- Des matières organiques azotées, c’est-à-dire « humides » : épluchures, compost non mûr, résidus de désherbage, gazon frais (attention toutefois à le mélanger à quelque chose, sinon il pourrait s’agglutiner et pourrir plutôt que se composter), fumier de poules, etc.
- Du terreau fin provenant, par exemple, de votre compost bien mûr et tamisé, de la compostière régionale, d’un voisin, d’une entreprise locale, des taupinières (merci les taupes !).
- De quoi couvrir la terre de votre bac : paille, feuilles mortes, épluchures sèches, broyat, etc.
Etape 3) Préparer la zone : Si vous installez votre butte au jardin, n’hésitez pas à la placer directement sur votre pelouse ou prairie : pour autant que la butte soit suffisamment haute (au moins, disons, 20 centimètres), pas besoin de retirer l’herbe car les couches que vous y ajouterez suffiront a priori à étouffer le chiendent et, même s’il venait à percer, il vous sera facile de désherber. En revanche, décompacter la terre à l’aide d’une fourche-bêche ou d’une grelinette (pas besoin de la retourner, juste de la décompacter !), s’avérera bénéfique surtout si votre butte est basse, car cela permettra à l’eau de s’infiltrer d’avantage dans les premiers temps. Si vous n’avez ni l’énergie, ni l’envie, ni les outils pour décompacter, cela ira très bien sans car grâce aux micro et macro-organismes attirés par votre butte, le sol se décompactera tout seul avec le temps.
Etape 4) Construire la butte : Vous pouvez poser votre coffrage directement au sol ou creuser une tranchée pour l’implanter un peu (c’est ce que nous faisons, vu les formes irrégulières des planches que nous utilisons). Ensuite, il s’agit de remplir votre butte en faisant une « lasagne » de matières carbonées et de matières azotées. Le nombre de couches et l’épaisseur dépendra de la hauteur de votre butte. Vous pouvez commencer (pour gagner un peu de matière et de hauteur) par une couche de branchages grossiers, puis continuer avec des couches carbonées-azotées, pour finir par une couche azotée. Arrosez bien la butte. Par-dessus la dernière couche azotée, répartissez du terreau sur environ 15 centimètres : cette couche sera le substrat lors de vos semis ou de la plantation de vos plantons. Enfin, couvrez la terre de votre butte.
Etape 5) Planter, entretenir : Ne vous inquiétez pas, les 15 centimètres de terreau suffiront à nourrir vos plantons et semis le temps que ceux-ci s’enracinent plus profondément dans la butte. Car, très rapidement, les matières carbonées-azotées avec lesquels vous l’aurez remplie se transformeront en compost ! Grâce aux micros et macro-organismes venus directement dans votre butte depuis le sol sur lequel vous l’aurez posée, votre lasagne permettra ainsi de créer en moins d’une année, selon le sol de base, un riche terreau. Riche en effet, et c’est pourquoi il est préférable d’y cultiver, la première année, des légumes qui aiment ce genre de sols. Enfin, la lasagne se transformant, les matières qui la composent s’affaisseront légèrement : à l’automne, il vous faudra probablement « nourrir » votre lasagne en y ajoutant un peu de matière.
Magique, non ?
Et sur une terrasse ?
Cette méthode fonctionne également très bien sur une terrasse, mais trois facteurs sont à prendre en considération :
La rétention d’eau et vos voisins du dessous : Une butte posée directement sur le sol de jardin n’a pas besoin d’être entourée de plastique, car le sol fera office de merveilleux réservoir d’eau. Or, si elle est placée sur une terrasse ou un balcon, seule l’épaisseur de votre butte permettra de retenir l’eau. C’est pourquoi il faudra maximiser la rétention d’eau par la butte elle-même en mettant un plastique agrafé à l’intérieur du coffrage. Ainsi, l’eau ne filtrera pas par les interstices des planches. Toutefois, pour ne pas créer un marais en cas de grosses pluies ou de sur-arrosage, veillez à percer quelques trous sur le pourtour du plastique, à quelques centimètres du fond de la butte. Ainsi, même en cas de léger sur-arrosage ou de pluie, une partie de l’eau sera retenue au fond de la butte, alors que le trop-plein s’évacuera progressivement (comme dans un lavabo !). Ceci, je vous promets, vous évitera des commentaires de la part de vos voisins du dessous (à raison, les nôtres se sont fâchés bien des fois… Les trous ayant été faits au fond du bac et non sur les bords, à chaque arrosage un peu abondant l’eau brunâtre dégoulinait sur leur véranda et leurs vitres…).
La hauteur des buttes et le choix de cultures : Certains légumes ont besoin d’une épaisseur de butte plus importante pour bien grandir et produire, soit parce que leur enracinement est naturellement assez profond (cultiver des patates dans une butte de 20 cm : pas très productif), soit parce qu’ils ont besoin de beaucoup d’eau (cultiver des tomates en pot ou dans un bac très bas est faisable, mais vous passerez votre temps à arroser). Il est donc nécessaire soit d’adapter vos cultures au type de butte choisi, soit d’adapter votre butte aux types de cultures choisies.
L’absence de micro et macro-organismes : Les micro et macro-organismes du sol sont de fantastiques décomposeurs. Si votre bac se trouve sur une terrasse, donc hors contact de la terre, je vous recommande d’y introduire au moins des vers de terre. L’idéal est d’ajouter quelques bonnes poignées de compost frais (ignorez celui de la compostière régionale, il sera complètement vide de vie), de fumier, de terreau de forêt, plein de vers et d’autres organismes. Avec le temps, ils proliféreront et contribueront à transformer votre butte en magnifique compost. Veillez simplement à toujours garder votre butte un peu humide, au moins en profondeur, car ces petites bêtes ont besoin d’eau.
En espérant avoir tout dit, je vous souhaite de belles journées de jardinage !
Bravo et merci pour tous ces conseils très complets. Je jardinne déjà sur des buttes en permaculture. Après plusieurs années, j’ai décidé de refaire complètement l’une de mes buttes qui s’est trop appauvrir au fil du temps. Je vais « piocher » dans votre article pour améliorer ma technique. Cordialement
Bonjour Lévy, merci beaucoup pour ce commentaire et bon plaisir au jardinage 🙂
Claudine