Jardin en permaculture : Produire ses semences
Les semences produites par les plantes de votre jardin sont extrêmement précieuses : au fil des générations, elles permettent d’obtenir des végétaux adaptés à votre terroir et aux conditions climatiques locales. Produire ses graines et les échanger, c’est aussi un acte citoyen au service de l’Humanité et de la biodiversité à l’heure de la mainmise des multinationales sur le patrimoine semencier mondial… Alors, petits sachets en mains, il est temps d’aller faire un tour au jardin !
Pourquoi produire ses propres semences
Les plantes s’adaptent aux conditions dans lesquelles elles poussent : abondance ou absence d’eau, composition du sol, climat, maladies, parasites… sont autant de facteurs auxquels elles apprennent à résister au cours de leur existence. Ainsi les plants les plus beaux, les plus productifs et les plus sains seront ceux qui se seront le mieux adaptés aux conditions locales. En récupérant leurs graines, vous réaliserez une sélection qui vous permettra, on l’espère, d’obtenir des plants beaux, sains et productifs l’année d’après… ce qui ne serait pas le cas de graines achetées d’année en année chez un producteur (aussi bio et labélisé soit-il) situé loin de chez vous. Récupérer vos semences est donc une belle façon de faire jouer la sélection en votre faveur, selon vos objectifs personnels (beauté, production…) et en réalisant des économies.
Récupérer et échanger les semences est également un acte citoyen. Il ne s’agit pas là de vains mots. L’appropriation du patrimoine semencier mondial par les multinationales, qui comptent bien (et le font d’ailleurs déjà) commercialiser cette manne de diverses façons rarement favorables à la perpétuation de la vie, est une réalité que nous connaissons peu en Suisse mais qui existe bel et bien dans de nombreux pays. L’activiste Indienne Vandana Shiva et des associations telles que Kokopelli ont mis il y a déjà longtemps le monde en alerte : ces méga-entreprises, en achetant/volant les droits sur les semences appartenant pourtant à l’Humanité, dépossèdent les agriculteurs de leur indépendance en leur interdisant l’accès non commercial aux semences. Comble du vice, certaines graines sont modifiées génétiquement pour n’être plus reproductibles, ou créées spécifiquement pour être impropres à la production de semences (semences F1), ce qui signifie que les graines obtenues par les agriculteurs au terme de la saison ne sont pas fertiles ou inutilisables, les privant plus encore de leur autonomie et les obligeant à racheter d’année en année de nouvelles semences. Aberration s’il en est car ces graines ne sont pas adaptées au conditions locales, ce qui réduit les rendements et augmente la sensibilité aux maladies… obligeant les producteurs à recourir aux intrants de synthèse et autre pesticides pour maintenir leurs taux de production (produits vendus, rappelons-le, par les mêmes multinationales qui vendent les semences… la boucle est bouclée). Certes, la Suisse est relativement protégée (et encore) de cet accaparement immoral, mais ce n’est pas le cas par exemple de nos voisins Français. Il est temps de produire vos semences !
Pas si mystérieux que ça…
Soyons honnêtes, produire ses propres semences de façon experte est un métier en soi… Cependant, sans être un-e spécialiste, récupérer les graines de nombreuses plantes annuelles ou vivaces n’est pas si mystérieux que ça. Certes, leur taux de germination ne sera pas aussi élevé que celui des graines achetées aux semenciers et le résultat de vos semis « maison » peut parfois être un peu décevant… mais le jeu en vaut la chandelle.
De nombreux livres à propos de la production de semences existent et résumer leur contenu en un article serait bien prétentieux. Mais voici des indices pour commencer à récolter vos semences vous-mêmes et, surtout, vous donner envie de vous renseigner d’avantage :
- Assurez-vous avant tout de savoir quoi chercher : à quoi ressemble la graine que vous souhaitez récolter ? Elles ont parfois des formes étonnantes !
- Durant la saison, marquez le plant qui comporte les caractéristiques qui vous conviennent (productivité, aspect, résistance, couleur et forme des fleurs, c’est à vous de voir !) en y accrochant un signe distinctif visible de tous, par exemple un épais ruban. Ceci évitera que vous ou que quelqu’un d’autre cueille vos graines en devenir.
- Fleurs : Les graines de fleurs doivent être bien sèches avant d’être cueillies. Si vous craignez qu’elles s’envolent ou soient mangées par les oiseaux (tournesols par exemple), mettez un sac papier ou plastique autour des fleurs fécondées en attendant leur complète maturité ou cueillez les graines à peine avant maturité, avant de les faire sécher dans un endroit sec et aéré.
- Légumes-feuilles : Choux, salades, épinards… sont autant de légumes-feuilles dont il est facile de récolter les graines. Peu avant maturité et pour éviter que les graines s’envolent, placez un sachet papier ou plastique autours de la hampe florale. Lorsque les graines sont suffisamment mûres, coupez la hampe et placez-la tête en bas dans un bidon, puis secouez bien : les graines tomberont au fond. Pour les graines plus denses et contenues dans des siliques (choux par exemple), placez la hampe sur un drap, pliez-le en deux et foulez-le aux pieds : cela ouvrira les siliques et vous pourrez récupérer les graines.
- Légumes-fruits : attendez que les fruits soient mûrs, ôtez les graines du fruit et faites-les sécher sur un torchon.
- Tomates : les semences de tomates sont entourées d’une gélatine anti-germinative, normalement détruite lors du pourrissement du fruit qui les contient. Pour copier ce processus naturel, récupérez la pulpe des tomates et faites-la macérer dans de l’eau pendant plusieurs jours à température ambiante en remuant de temps en temps. Filtrez la préparation, rincez les graines de tomates et faites-les sécher sur un torchon.
- Haricots : récoltez les gousses bien mûres, récupérer les grains et faites-les sécher dans un endroit sec et aéré.
- Légumes et fleurs bisannuels : les légumes tels que les carottes sont bisannuelles et ne produisent des graines que lors de la seconde année. Il faudra être patient-e !
Sachez toutefois que certains plants de la même famille s’hybrident, c’est-à-dire qu’ils forment des graines issues d’une fleur d’une variété, pollinisée par le pollen d’une autre variété. Ceci peut donner de belles surprises, mais attention aux hybridations non comestibles ou toxiques : les coloquintes décoratives par exemple, non comestibles et de la même famille que certaines courges cultivées pour leur chaire, peuvent s’hybrider avec ces dernières… Les plants de courges comestibles produiront ainsi des graines de plants aux fruits non comestibles. Une fécondation manuelle des fleurs femelles à l’aide des fleurs mâles d’un autre plant de la même variété permettra d’éviter cela, pour autant qu’on arrive avant les abeilles et qu’on ferme bien la fleur femelle après fécondation artificielle. Pour vous simplifier la vie, vous pouvez aussi jeter vos pulpes pleines de graines de courges au compost et espérer que les plants qui pousseront spontanément l’année d’après seront comestibles 🙂
La clé : bien stocker
Les graines obtenues, une fois bien séchées, pourront être mises en sachet et en bocal. Un bon étiquetage est primordial. Si vous craignez les mites ou les rongeurs, placez vos précieuses semences dans des contenants hermétiques.
Le pouvoir de germination des semences est très variable d’une variété à l’autre, mais aussi d’une année à l’autre (il y a des « cuvées », même pour les semences !). Des semences utilisées dans les deux ans seront généralement encore tout à fait bonnes.
Comme évoqué plus haut, le taux de germination (c’est-à-dire la capacité des graines à germer) de vos propres semences sera probablement moins élevé que celui des graines des semenciers professionnels, dont les taux sont vérifiés avant la vente. Pour éviter des mauvaises surprises, n’hésitez pas à avancer d’un poile la date de vos premiers semis afin d’avoir un peu de marge pour en faire de nouveaux en cas de faible taux de germination.
Avant toute chose, partagez !
Ces semences que vous aurez pris le temps de sélectionner, cueillir et conserver ont une valeur inestimable… Les partager ou les échanger est une belle façon de préserver le patrimoine et la diversité semencière locale, créer des cultures adaptées au terroir régional, et contribuer à un monde où le seul propriétaire de sa production est le jardinier, non l’économie mondiale et délocalisée. Pour partagez vos semences, pensez à la grainothèque du coin ! Y déposer vos graines est un petit acte citoyen de plus 🙂