
Décroissance pour notre salut
Qui entend décroissance pense souvent à privation et frustration. Au contraire, la décroissance m’apporte un grand bien-être, qui rime avec écologie et respect de tous-tes. Cela vous dit d’essayer ? Pour vous encourager à tenter l’aventure, voici mon retour d’expérience après 4 ans de décroissance assumée.
Il y a 4 ans…
Il y a 4 ans, presque jour pour jour, j’ai pris un tournant décisif après des années de réflexion et de malaise. Mon objectif : me détacher d’une vie de consommation pour tendre vers la sobriété heureuse en m’aidant de la permaculture et du mode de pensée décroissant. Puisque vous avez maintenant saisi ce qu’est la permaculture, pas besoin de m’étendre sur le sujet… En revanche, avez-vous déjà réfléchi à votre propre conception de la décroissance ? Tout comme pour la permaculture, il y a vraisemblablement autant de façon de vivre la décroissance qu’il y a de « décroissant-es ». Pour vous donner un exemple, je vais vous raconter mon histoire…
« Mais qu’est-ce que je fais là ? »
Avant de prendre ce tournant décisif, j’étais probablement comme la moyenne des citoyens de mon âge : je travaillais à 100-120%, passais au moins deux heures par jour dans les transports pour me rendre au travail, gagnais un salaire décent qui me permettait d’habiter un chouette appartement et d’avoir des loisirs. Je partais en voyage deux fois par an et consommais comme tout un chacun : quelques repas au restaurant, cinéma, vêtements, mobilier… Le fait est que j’avais bien assez de moyens pour subvenir à mes besoins mais me sentais perpétuellement acculée. Trop de travail, trop de dépenses, trop de trajets. Cela s’est traduit en divers troubles physiques : allergies alimentaires, maladies à répétition, douleurs chroniques et j’en passe. De nature joyeuse, un mal-être profond m’envahissait pourtant souvent et une idée fixe me revenait à l’esprit : « Mais qu’est-ce que je fais là ? ».
J’avais le sentiment de n’être nulle part vraiment à ma place. Je trouvais du sens à certaines de mes activités, pourtant les conditions dans lesquelles je les réalisais ne me convenaient fondamentalement pas. Mon travail me plaisait, mais y passer cinq jours par semaine du matin au soir en ayant conduit des heures pour y arriver me rendait profondément triste. Mes amis étaient précieux pour moi, mais je n’avais pas beaucoup de temps à leur consacrer et les quelques heures passées par-ci par-là avec eux ne me suffisaient pas. J’avais besoin du lien avec la Nature, mais faire des randonnées de temps en temps ne satisfaisait pas ce besoin. Or, que fait-on lorsqu’on ne se sent pas bien ? Certain-es mangent du chocolat, me direz-vous 🙂 Parmi les différentes stratégies que l’humain-e moderne a trouvé pour se rassurer, l’une semble toutefois être devenue une habitude : consommer. Des séries TV, des repas au restaurant, de nouveaux vêtements, des médias, des vacances… « Consommer » des cours de yoga entre d’ailleurs dans cette catégorie du moment qu’ils visent à faire oublier un mal-être plutôt qu’à améliorer le bien-être, et je ne me privais ni de yoga ni de stages de développement personnel en tous genres.
Mais consommer appelle à la consommation… Si bien qu’une fois passé le plaisir d’avoir acquis un nouvel objet ou vu une nouvelle série TV, j’avais tendance à acheter de nouveaux objets et chercher de nouvelles séries TV. Ceci créait un sentiment perpétuel de besoin que rien ne pouvait assouvir bien longtemps. En ce sens, la publicité n’aide pas : après tout, le but des publicitaires est de nous faire croire que nous sommes tous moches, trop gros, malnutris, malheureux et manquons de tout. Or, il se trouve qu’ils vendent la super-veste hyper cool qui nous rendra beaux, le régime minceur qui nous fera maigrir, l’aliment miracle qui apportera à notre corps tous les nutriments essentiels, les vacances qui nous rendront heureux et la carte de crédit qui nous permettra de ne plus jamais manquer de rien. Sus à la publicité ! Soit, mais la pression sociale n’est pas en reste : personne ne nous oblige à souscrire aux nouvelles modes et tendances, si ce n’est nous-mêmes. Et quand on est bien élevé-e, on se fait prendre au jeu en considérant qu’il est nécessaire de « respecter les règles » édictées par les modes et tendances afin d’être accepté-e par le groupe. Ainsi, poussé-e par notre propre perception du groupe lui-même et encouragé-e par le monde des industriels et leur clique de publicitaires , l’on devient son propre esclavagiste au profit d’une économie qui ne nous veut pas du bien… L’équipe de 120 secondes a parfaitement résumé la situation dans son sketch Black Friday, merci à eux.
Vous vous dites peut-être que vous n’avez jamais pensé de cette façon et n’avez jamais acheté sans réfléchir. En êtes-vous sûr-e ? Car les statistiques sont claires : entre 2002 et 2018, la consommation de vêtements des suisses et suissesses a augmenté de 60% alors même qu’ils sont portés moitié moins longtemps1. Les vêtements, emblèmes du paraître social et de la consommation, ne sont pourtant qu’un exemple parmi tant d’autres. Or, cette tendance à la surconsommation est la même dans tous les pays industrialisés, alors que le mal-être des populations ne cesse d’augmenter.
« Mais qu’est-ce que je fais là ? », me demandais-je sens cesse. En l’occurrence, je consommais bien plus que de raison pour tenter d’oublier mon mal-être. C’est lorsque je m’en suis rendue compte que ma quête de la sobriété heureuse a commencé. Aidée par un mode de pensée décroissant, tout a alors changé…
Le début de la décroissance
Lorsque vous possédez uniquement ce qui est nécessaire, tendre vers la décroissance n’a aucun sens. Il ne s’agit donc pas de pousser les plus démunis à consommer encore moins, mais bien d’encourager ceux qui consomment trop à réduire leur consommation afin que les ressources soient partagées équitablement. Car lorsqu’elle est irréfléchie, consommation rime avec destruction : rappelons-nous que les ressources ne sont pas infinies, alors que l’économie linéaire (économie capitaliste, si l’on fait un raccourci) nous fait croire que la consommation à l’infini est possible. Ainsi, décider de ne consommer que le nécessaire est une question de survie de l’humanité et de biens d’autres espèces vivantes sur la planète, comme nous le montrent tous les voyants écologiques actuellement. D’accord, mais comment devient-on décroissant-e ?
C’est la question que je me suis posée lors de ce tournant décisif, et les actions entreprises ont été radicales. En démissionnant des emplois que j’occupais, en choisissant de trier et de donner la majorité de mes possessions matérielles, en « travaillant moins » (quoique je ne partage pas la même version du mot « travail » que la plupart des sbires de l’économie actuelle), en gagnant moins et en consommant moins, j’ai fait le grand vide autour de moi pour me lancer dans la permaculture. A posteriori, je dirais qu’il s’agissait d’un acte désespéré quoique nécessaire, et il n’est pas indispensable d’en venir à des changements aussi drastiques pour tendre vers la décroissance. Disons simplement qu’au moins, c’était fait… Et je ne regrette aucune des décisions que j’ai prises alors. Car c’est en choisissant de vivre en accord avec mes valeurs, de consommer et de posséder beaucoup moins, que j’ai retrouvé un bien-être jusque-là oublié. Commencer à cheminer vers la sobriété heureuse m’a permis d’être « bien dans mes baskets » et je vous le dis : il s’agissait pour moi d’une vraie renaissance. Je ne me demande plus ce que je fais là, et ce fameux mal-être a disparu. Or, quand on est vraiment bien avec soi-même, le besoin de consommer se réduit à peau de chagrin. « Moins, c’est mieux » est un adage qui a probablement de beaux jours devant lui et je ne saurais que lui donner raison.
Économie circulaire, zéro déchet, permaculture, vie communautaire…
Il y a autant de façon de vivre la décroissance que de décroissant-es, et pléthore d’outils pour vous y aider. Qu’il s’agisse de promouvoir une économie circulaire, de réduire au maximum vos déchets, de n’acheter que l’essentiel, de faire de la permaculture ou de vivre en communauté, tout peut faire sens du moment que c’est ce qui, dans votre contexte, vous permet d’avancer sur le chemin de la décroissance nécessaire au bien-être durable de tous-tes.
J’avais commencé à écrire ici des idées pour vous lancer dans l’aventure, mais cela m’a finalement paru superflu. Après tout, personne mieux que vous ne peut décider comment procéder pour atteindre cette fameuse sobriété heureuse. Soyez pourtant certain-e de ceci : les choses les plus importantes sont souvent celles que l’on ne voit pas, et ce sont ces petits riens qui rendent heureux. Ni l’appartement de luxe, ni les vacances à l’hôtel, ni un repas gastronomique… Vivre en accord avec vos valeurs, prendre des décisions en conscience, remettre les priorités à leur juste place n’a pas de prix, et c’est cela qui rend la vie magique. La décroissance est donc un merveilleux outil autant pour le salut de la planète, que pour le vôtre…
Sources :
1) « Indicateurs sur la sobriété », in LaRevueDurable, pour s’informer et s’engager sur l’écologie, Numéro 61, été-automne 2018, p.22. Cet article nous apprend également, par exemple, que le volume d’aliments exotiques ou hors saison importés en Suisse a augmenté de façon effrayante… 15’000 tonnes d’avocats étaient importés en 2017, alors que seulement 5000 tonnes l’étaient en 2007. Mais enfin, pour quoi faire ??