
Notre démocratie, pas si démocratique que ça…
Notre société ne laisse pas tout le monde s’exprimer, loin de là. Alors comment peut-on prétendre qu’elle est égalitaire ?
Aujourd’hui, en découvrant dans le journal régional la photo du nouveau Conseil communal élu pour les quatre prochaines années, mon sang n’a fait qu’un tour… Car je n’y ai vu que des hommes, blancs, au moins la cinquantaine. Que cela soit clair : je n’ai rien ni contre les hommes, ni contre les blancs, ni contre les cinquantenaires, et encore moins contre ces élus qui font le travail qu’on leur demande de faire… Mais dans ce Conseil communal censé prendre des décisions pour la majorité, où se trouvent les femmes, les enfants, les jeunes ? On me dira que les élections nous permettent de choisir ceux qui nous dirigent… Qu’il suffit d’aller voter pour faire siéger ceux que l’on pense être les plus aptes à nous représenter, défendre nos intérêts et prendre des décisions pour le bien de tous. Mais il n’empêche que ce fameux Conseil communal ne représente qu’une seule et unique catégorie d’une population pourtant très hétéroclite. On arguera que les femmes ne se présentent pas aux élections, et que c’est bien fait pour elles. A ceci je répondrai qu’aux femmes, on demande de faire des enfants, d’être de bonnes mères, de faire une bonne carrière, d’être de bonnes ménagères et de bonnes épouses. Il est bien difficile d’ajouter à tout cela « bonne politicienne » ou « politicienne » tout court, et c’est au risque de se faire catégoriser de mauvaise mère-employée-ménagère-épouse. Celles qui, encore en âge de procréer et qui oseraient même le faire lors de leur mandat, décident d’endosser la fonction de représentatrices du peuple sont effectivement bien courageuses… C’est probablement la raison pour laquelle la plupart des femmes qui se lancent enfin en politique ne le font qu’après avoir assumé suffisamment longtemps leur rôle de bonnes mères-employées-ménagères-épouses, et ne sont plus alors dans la fleur de l’âge. On arguera à nouveau que finalement, les politiciens plus âgées ont plus d’expérience et sont plus sages. Mais encore faudrait-il qu’ils partagent la même réalité que les jeunes qu’ils sont censés représenter, et qui leur succéderont sur cette Terre…
Car si notre système politique et sociétal semble définitivement privilégier, de différentes manières, l’élection de représentant-es relativement « âgé-es » (on s’entend…), il ne donne quasiment pas leur mot à dire aux jeunes. On dirait que les choses bougent, puisque le droit de vote à partir de 16 ou 17 ans est un sujet qui va et vient depuis quelques années dans les sphères politiques (sujet qui sera d’ailleurs tranché toujours par les mêmes quinquagénaires, ne partageant pas la même vision du monde que les fameux jeunes auxquels ils ont le pouvoir d’octroyer, ou non, la liberté de s’exprimer, et donc de penser publiquement). Aujourd’hui toutefois, c’est clair : les stratégies énergétiques 2050 sont décidées par des citroyen-nes qui, le moment venu, n’auront pas à ramasser les pots cassés alors que les jeunes qu’on aura muselés devront se débrouiller avec les conséquences des choix de leurs aînés. Un adolescent qui affirme ne pas être d’accord avec la société, descend dans la rue et manifeste pour un changement de société est bien peu pris au sérieux. Qu’il prenne l’avion au milieu de tout cela, et il se fera fusiller par la critique (l’occasion est trop belle !). Qu’il fasse une partie de tennis dans une banque pour dénoncer les inégalités et incohérences du système face aux crises actuelles, et il sera jugé. Coupable, bien sûr ! « Ah, ces jeunes… ils finiront bien par se calmer. » Effectivement, voyant que le système est ce qu’il est, les jeunes finissent soit en rupture avec la société, soit se rangent dans les cases comme les autres, à défaut de mieux. On fait comme on peut pour rester soi-même dans un système politique et sociétal qui ne tolère que très peu la dissidence et la liberté de penser, alors que la démocratie est censée incarner la voix du peuple. De TOUT le peuple !
Et au sein de ce peuple, les éternels oubliés sont bien les enfants… Eux n’ont qu’à se taire. Comment notre société permet-elle une injustice si énorme que personne ne semble la remarquer ? Les enfants n’ont jamais leur mot à dire sur quoi que ce soit. Comment se fait-il qu’on ne leur laisse pas le droit de s’exprimer sur des sujets qui les concernent directement ? « Fais pas ci, fais pas ça ! » disait Dutronc. Surtout, n’émets pas de jugement ou de critique, ni de près, ni de loin, ni en bruit ni en silence… A partir d’un certain âge et s’il y a été encouragé, un enfant sait pourtant très bien ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas, ce avec quoi il est d’accord et ce avec quoi il n’est pas d’accord. Chacun, adultes ou enfants, devrait donc laisser la possibilité à l’autre de prendre les décisions pour lui-même, dans la mesure où cela respecte l’autre. Or, dans notre société, l’enfant n’est pas respecté puisqu’il ne peut décider de rien. C’est pourtant bien l’enfant qui devrait choisir s’il veut manger de la viande ou non, mettre le t-shirt vert ou le t-shirt rose, aller se promener ou pas. Après tout, c’est dans son corps que terminera la viande, sur son dos que terminera le t-shirt, et à lui que cela fera du bien ou non d’aller se promener… Et dès que l’on réalise que l’enfant est tout à fait apte à prendre des décisions pour lui-même, on peut alors voir plus loin. Car, qu’on considère cela utopique ou pas, je le pense : c’est bien l’enfant qui devrait décider si oui, ou non, il préfère aller à l’école en portant un masque, en se faisant tester régulièrement contre le Covid-19 et en gardant des distances irréalistes avec ses camarades, ou s’il préfère rester à la maison. Le médecin cantonal affirme que les conséquences psycho-sociales d’un arrêt de l’école seraient très graves… Finalement, pour prendre soin des enfants et si on les aime tant, pourquoi ne pas simplement leur demander leur avis ? Peut-être diraient-ils oui, et peut-être diraient-ils non. Une chose est sûre : à ne pas les considérer comme des êtres humains capables de discernement, on les considère tout juste comme des animaux (c’est encore un autre sujet). Alors, laissons-les s’exprimer et prenons enfin leur jugement en compte ! De même, cela devrait aussi être aussi le cas des personnes âgées qui, redevenues un peu enfants, sont muselées ni une ni deux par la société. « Mais oui, Pépé, c’est ça… prends tes médocs. » En attendant, personne ne demande aux personnes âgées si elles préfèrent mourir de solitudes seules dans des maisons de retraite, ou si elles préféreraient prendre le risque de mourir d’un virus en ayant passé du temps avec les gens qu’elles aiment.
La crise que nous vivons actuellement met en lumière de nombreux aspects de notre fonctionnement qui ne tournent pas rond. La photo des cinq innocents membres du nouveau Conseil communal de mon village n’ont fait que mettre le feu aux poudres de mon esprit critique, depuis longtemps titillé par bien d’autres incohérences. Je n’ai pas de solutions à proposer pour changer toutes ces choses qui semblent aller si mal. Mais je réfléchis, et c’est déjà beaucoup dans un système qui ne nous y encourage pas du tout, du tout… Et ces réflexions m’amènent indubitablement à la conclusion suivante : avant de faire de grands discours au nom du bien commun, laissons au moins les communs s’exprimer, qui qu’ils-elles soient…